Pourquoi la Chine ne fait pas la guerre

Royalmedia

La politique des États-Unis est faite de provocations calculées qui visent à faire monter les tensions tout en décriant aussitôt les réactions légitimes de la puissance provoquée. La Chine, elle, a besoin d’un monde en paix pour poursuivre son développement et améliorer les conditions d’existence du peuple chinois. Nul doute qu’elle saura résister à la tentation que lui offre l’impérialisme, ce tigre de papier, qui recevra un coup sur le museau le moment venu, comme en Corée, au Vietnam, en Irak, en Afghanistan, et bientôt en Ukraine.

Les Occidentaux sont tellement habitués à faire la guerre chez les autres qu’ils la font presque sans le savoir en se prévalant toujours de nobles idéaux destinés à préserver leur conscience immaculée. Mais cet auto-aveuglement en cache un autre : la guerre étant chez eux comme une seconde nature, ils peinent aussi à se représenter une grande puissance qui y répugne. En attendant, les faits parlent d’eux-mêmes : les États-Unis et leurs alliés ont multiplié les guerres et les massacres au cours des quatre dernières décennies, tandis que la Chine s’en est soigneusement abstenue.

Un cliché médiatique occidental incrimine le pays du milieu pour la soi-disant « brutalité » de son rapport aux autres, mais on se demande sur quels faits s’appuie une telle interprétation. Encore un effort de leur part pour nous enfumer, et ces journalistes à la déontologie irréprochable nous feraient presque oublier que les Somaliens, les Serbes, les Afghans, les Irakiens, les Soudanais, les Libyens et les Syriens n’ont jamais reçu de bombes chinoises sur la tête. Vivant dans le monde merveilleux de l’Occident bienfaiteur qui dispense sa lumière aux peuples ébahis, de tels « experts » sont surtout experts en affabulation, et si l’on n’y prenait garde, on prendrait des vessies pour des lanternes.

Rappeler ce que représente réellement la Chine dans son rapport au monde n’est donc pas un exercice inutile, tant les faussaires patentés qui peuplent les médias occidentaux mettent de soin à égarer l’opinion en l’abreuvant de sornettes sur la « domination chinoise », ce nouvel avatar de la « barbarie asiatique » et du « péril jaune ». Une accusation grossière, qui s’ajoute à toutes ces âneries qui passent d’autant plus facilement la rampe médiatique que la ficelle est plus grosse, à l’instar de la fable grotesque inventée par Washington sur le prétendu « génocide » des Ouïghours. Autant de billevesées sur lesquelles on hésite à s’esclaffer de rire tant l’affaire est sérieuse, s’agissant tout de même de la deuxième – et peut-être même première – puissance économique du monde.

A l’égard de ces racontars, il est plus que jamais nécessaire d’appliquer la seule méthode rationnelle : lorsque l’interprétation est démentie par les faits eux-mêmes, ce ne sont pas les faits qu’il faut changer mais l’interprétation. Il va donc falloir en prendre son parti : non, la Chine n’est pas ce que raconte une bande d’escrocs médiatiques et de politiciens écervelés. Et si sa montée en puissance dans l’espace mondial est spectaculaire, elle n’entre nullement dans les catégories frelatées auxquelles se cramponne désespérément une poignée de charlatans pour tenter de la discréditer.

« LA CHINE EST UN ÉTAT SOUVERAIN QUI VEILLE JALOUSEMENT SUR SON INDÉPENDANCE ET ENVOIE DANS LES CORDES TOUS CEUX QUI AURAIENT LA TENTATION DE VOULOIR ROGNER SON INTÉGRITÉ TERRITORIALE »

Certes, on admettra avec les réalistes que la Chine n’est pas une association philanthropique et qu’elle défend âprement ses intérêts nationaux. Et alors ? Comment pourrait-on le lui reprocher ? C’est ce que font tous les États dignes de ce nom et il y a peu de chance qu’il en soit autrement à l’avenir. La Chine est un État souverain qui veille jalousement sur son indépendance et envoie dans les cordes tous ceux qui auraient la tentation de vouloir rogner son intégrité territoriale, comme l’illustre parfaitement sa position constante sur le sort de sa province taïwanaise provisoirement séparée de la Mère-Patrie. Elle a beau être dictée par le bon sens et se montrer fidèle à une conception respectable de la souveraineté, cette allergie aux ingérences extérieures participe d’un être-au-monde que la sinologie de plateau-télé fait mine de ne pas comprendre.

Par paresse intellectuelle et conformisme idéologique, le commentaire dominant préfère accréditer une narration fantaisiste où Pékin apparaît toujours sous les traits d’un vilain croquemitaine. Mais peu importe : on ne changera pas de sitôt les habitudes d’un quarteron de « spécialistes » en service commandé dont l’honnêteté intellectuelle et la probité scientifique ont été dévoyés depuis longtemps par les financements généreux du Quai d’Orsay, de l’UE et de l’OTAN. Afin de gagner du temps, livrons pour de bon leurs œuvres complètes à ce que Marx appelait la « critique rongeuse des souris ». Abandonnant cette Chine fantasmatique forgée par la mentalité de guerre froide, faisons plutôt l’effort de comprendre la genèse de la puissance chinoise en exposant les principes auxquels elle s’ordonne. De ce point de vue, nous ne manquons pas de pièces à inscrire au dossier, et nous verrons que la pratique est loin de contredire la théorie.

Comme il se trouve que les Chinois ne ratent jamais une occasion de le rappeler, sans doute faut-il commencer par indiquer ce qui constitue le fondement même de la politique extérieure de la République populaire de Chine. Or ce fondement historique, jusqu’à présent inébranlable, n’est autre que le respect des « principes de la coexistence pacifique ». On dit parfois que la Chine depuis Mao Zedong s’est voulue fidèle à l’héritage de l’esprit de la célèbre conférence de Bandung (1955), où les nations du Tiers Monde avaient jeté les bases du Mouvement des non-alignés. Ce n’est pas faux, mais les « Cinq principes de la Coexistence pacifique » ont été définis un an plus tôt, lors de la rencontre entre l’Inde, la Chine et la Birmanie.

Ce n’est donc pas la Conférence de Bandung qui a accouché des principes de la coexistence pacifique, mais la coexistence pacifique dont le paradigme, largement inspiré par Pékin en général et Zhou Enlai en particulier, a nourri la Conférence de Bandung. Formulant une véritable éthique des relations internationales, ces fameux cinq principes sont explicites : « le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, la non-agression mutuelle, la non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, l’égalité et les avantages réciproques ».

En somme, la politique du « gagnant-gagnant » chère à Xi Jinping ne date pas d’hier, et il est frappant de voir qu’en octobre 2022 son rapport au XXe congrès du PCC s’inspire toujours de ces principes : « La Chine poursuit depuis toujours une politique extérieure ayant pour but la préservation de la paix mondiale et la promotion du développement commun, et s’engage dans la construction d’une communauté de destin pour l’humanité 人类命运共同体 rénlèi mìngyùn gòngtóngtǐ ».

« La Chine respectera la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les États, ainsi que les voies de développement et les systèmes sociaux choisis en toute indépendance par leurs peuples ».

La Chine s’efforcera aussi de promouvoir « l’égalité entre les pays, quelles que soient leur taille, leur puissance et leur richesse ; s’opposera fermement à l’hégémonisme et à la politique du plus fort sous toutes leurs formes ; et rejettera la mentalité de guerre froide, les ingérences dans les affaires intérieures d’autres pays et le « deux poids, deux mesures ». Enfin, « la Chine appliquera une politique de défense nationale à caractère défensif, et son développement permettra aux forces en faveur de la paix dans le monde de gagner du terrain. Elle ne prétendra jamais à l’hégémonie ni à l’expansion, quel que soit son niveau de développement ».

C’est pourquoi, loin d’afficher un relativisme qui se prévaudrait des spécificités chinoises pour nier les valeurs communes de l’humanité, la politique étrangère de la Chine se réclame d’un universalisme inclusif, et non exclusif : « Nous appelons sincèrement tous les pays du monde à promouvoir les valeurs communes de toute l’humanité, telles que la paix, le développement, l’équité, la justice, la démocratie et la liberté » 和平、发展、公平、正义、民主、自由hépíng, fāzhǎn, gōngpíng, zhèngyì, mínzhǔ, zìyóu. Avec de telles formules, la Chine entend affirmer que l’humanité est bel et bien dépositaire d’un patrimoine commun, mais qu’aucune puissance ne détient le monopole de son interprétation.

Entre l’universel et le particulier, la circulation est descendante et non ascendante : chaque pays adhère à l’idée universelle de liberté ou de démocratie, mais il lui appartient d’en fixer les termes en toute souveraineté, et aucune injonction particulière d’un autre État n’est fondée à lui dicter son propre rapport à l’universel. Dans une telle perspective, il est clair que l’universalité humaine est compatible avec les particularités nationales, puisque la définition même de l’universel inclut la légitimité des interprétations particulières. Tandis que l’Occident s’érige volontiers en dépositaire exclusif de l’universel et prétend ainsi universaliser sa propre particularité, l’approche chinoise fonde un véritable universalisme, fondamentalement pluraliste et respectueux des différences.

De Mao Zedong à Deng Xiaoping et à Xi Jinping, évidemment, la politique étrangère chinoise a connu bien des péripéties. Avec Mao, la Chine a été unifiée et libérée de l’occupation étrangère. Elle a conquis son autonomie stratégique avec la détention de l’arme nucléaire en 1964 et elle a fait son entrée au Conseil de sécurité de l’ONU en 1971. C’est un bilan considérable, et il ne viendrait à l’esprit d’aucun Chinois de le remettre en question. Le rétablissement de relations normales avec le monde occidental est également une initiative de Mao Zedong, qui a compris que la Chine en aurait besoin afin de poursuivre son développement.

Source : Echosmedia

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